Quand l'eau du fleuve devient égout

Publié le par Caroline

En Inde la principale cause de mortalité infantile reste celle des maladies liées à l'eau. La qualité des ressources en eau s'est dégradée au cours des dernières décennies du fait d'une agriculture de plus en plus intensive et d'une urbanisation grandissante.

La pollution de l'eau peut être de 4 origines principales:

- pollution naturelle, liée à la présence dans les roches d'éléments minéraux toxiques comme l'arsenic (affecte essentiellement les eaux de nappes).

- pollution par les pesticides et fertilisants utilisés par l'agriculture (affecte les eaux de nappes et de surface).

- pollution par les industries ne disposant pas de systèmes de retraitement de leurs eaux de process (affecte principalement les eaux de surface).

- pollution par le rejet des eaux domestiques urbaines sans traitement préalable (affecte principalement les eaux de surface).

De nombreux fleuves et rivières en Inde sont pollués. L'eau est très souvent impropre à la consommation mais aussi à la baignade. La qualité des eaux de surface de certains fleuves est très préoccupante, et l'accroissement démographique et industriel risquent d'aggraver la situation dans les années à venir, si rien d'efficace n'est entrepris.

L'eau de la Yamunâ qui s'écoule au pied du monument indien le plus connu, le Taj Mahal, est loin de refléter la splendeur de ce dernier. Ayant traversé la capitale une centaine de kilomètres en amont, c'est un fleuve "mort" qui arrive à Agra, il poursuit son cours pour se jeter quelques centaines de kilomètres en aval dans le Gange. L'eau de ce fleuve sacré est devenue un vrai paradoxe: une eau pure, mais sale. Des milliers d'hindous continuent de s'y baigner tous les jours pour purifier leur âme.

 

La cause principale de la pollution de ces deux fleuves est le rejet direct des eaux domestiques urbaines sans traitement. Ce type de pollution peut facilement être détecté en procédant à l'analyse de la Demande Biologique en Oxygène (DBO). Elle permet de calculer l'oxygène nécessaire aux micro-organismes vivants pour dégrader toute la matière organique présente dans le milieu naturel. En France, la valeur guide donnée pour la production d'eau potable indique que la DBO doit être inférieure à 3mg/l. Des analyses biologiques permettent également d'évaluer l'importance de ce type de pollution en comptant les coliformes totaux et fécaux. La survie dans l'environnement des coliformes fécaux est similaire à celle des bactéries pathogènes et leur densité est proportionnelle au degrés de  pollution produite par les matières fécales (déjections humaines et animales). Le tableau ci-dessous présente une synthèse des analyses réalisées dans les stations de mesures se trouvant le long des principaux fleuves indiens en 2002. L'intervalle donné pour un même fleuve correspond à la différence que l'on peut trouver entre l'amont et l'aval. A titre de comparaison voici les valeurs autorisées en France.


  Valeurs recommandées en France


Valeurs mesurées en Inde en 2002


Face à ce problème le gouvernement n'est pas resté inactif, il a dès la fin des années 80 lancé des programmes comme le Ganga Action Plan (GAP) et plus récemment le Yamunâ Action Plan (YAP). L'objectif de ces projets était de rendre l'eau de ces 2 fleuves sacrés propre à la baignade en s'attaquant à la pollution créée par les eaux usées urbaines. La création de stations d'épuration, de stations de traitement communes des eaux industrielles, de latrines, de crématorium électrique et un développement des points d'accès à la rivière pour la baignade (ghâts) devaient permettre d'atteindre cet objectif. Malheureusement, force est de constater que les effets attendus n'ont pas eu lieu et que la qualité des eaux continue de se dégrader chaque année.

 

Quelles sont les raisons de l'échec de ces actions?

 

Pour le projet de la Yamuna, 17 stations d'épuration ont été construites à Delhi. Cependant ces dernières ne tournent qu'à 30% de leur capacité, les réseaux de collecte des égouts sont trop vieux. Sur les 15 millions d'habitants connectés, 55% de l'eau usée n'arrive pas dans une station d'épuration. En admettant que des investissements soient effectués pour remettre en état les réseaux, cela ne suffirait pas car beaucoup de banlieues pauvres n'y sont pas connectées.

Le bon fonctionnement des stations d'épuration est également affecté par la défaillance des infrastructures électriques. En effet, il est nécessaire d'injecter de l'oxygène pour le process de traitement biologique. Or les coupures de courant sont fréquentes. A Bénarès, il n'y a de l'électricité que quelques heures par jour ce qui est très limitant pour le fonctionnement de la station. Aux problèmes électriques, s'ajoute celui de la mousson. Pendant plusieurs mois la station ne peut fonctionner car les débits qui arrivent sont trop importants (eaux pluviales + eaux usées).

Concernant les eaux de rejets industrielles, il a été constaté que pour le projet du Gange, seulement 45% des industries ont mis en place un système de retraitement, qui pour 20% d'entre elles n'est pas efficace ou adéquat. Pour les stations de retraitement communes, les industries n'arrivent pas à s'entendre pour financer le coût de fonctionnement, très peu sont en état de marche. L'idée de stations communes semble également inadaptée pour des process industriels très différents (pharmacie, chimie, peinture, papier, pesticide, engrais...). Chaque industrie devrait disposer de son propre système de traitement des eaux industrielles.

 

Le gouvernement a dépensé d'importantes sommes d'argent dans des stations de traitement des eaux qui fonctionnent mal ou peu. Peut-être ce résultat était-il prévisible? Une analyse plus poussée avant de commencer les projets aurait peut-être permis de montrer que ce qui fonctionne dans les pays occidentaux ne fonctionne pas nécessairement en Inde (le projet de restauration de la Yamunâ est calqué sur celui de la Tamise à Londres). D'autre part, au-delà d'une mauvaise identification des actions à mettre en place un manque de coordination dans la gestion des projets est aussi à déplorer. Le gouvernement central a du mal à déléguer la tâche aux gouvernements fédéraux parfois peu coopératifs et au sein desquels la corruption joue un rôle certain dans l'échec des projets initiés. A ceci s'ajoute une mauvaise information du public et le manque d'un organisme indépendant, non corrompu, contrôlant l'application des différentes phases du projet et assurant sa continuité (s'assurer que les industriels retraitent bien leurs eaux de process…etc…).

Des organismes non gouvernementaux essaient de développer des idées alternatives plus adaptées au contexte indien, comme utiliser l'énergie solaire pour palier au manque d'électricité. Ils essaient également de sensibiliser la population et suggèrent au gouvernement d'autres gestions de l'eau, comme pomper et dévier moins d'eau de la Yamunâ pour assurer un débit un peu plus important en saison sèche. Il est indispensable et urgent que le traitement des eaux usées urbaines soit repensé différemment dans le sous-continent.


 



 


Sources:

http://southasia.oneworld.net/article/view/150858/1/815 

http://fusions.wordpress.com/2007/06/09/indias-rivers-are-drowning-in-pollution/

http://www.sacredland.org/world_sites_pages/Ganges.html

http://www.planetark.org/dailynewsstory.cfm?newsid=9513

http://www.rainwaterharvesting.org/Crisis/Industrial-pollution.htm

http://www.frontlineonnet.com/fl2221/stories/20051021001305300.htm

http://www.hindu.com/2004/02/08/stories/2004020800911100.htm

http://unstats.un.org/UNSD/ENVIRONMENT/envpdf/pap_wasess5a2india.pdf

http://aventure.blogs.liberation.fr/eautour_du_monde/2007/03/un_personnage_a.html


 

 






Publié dans L'eau et la société

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B
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C
<br /> <br /> Bonjour, je trouve votre blog très intéressant d'autant plus que j'ai pu partir en Inde l'été dernier et depuis ce pays me fascine.<br /> <br /> <br /> Je travaille actuellement sur un projet concernant l'osmose inverse et j'étudie le cas de l'Inde. Pourriez vous me dire où vous aviez trouvé les valeurs mesurées en 2002 car le tableau n'apparait<br /> pas sur la première page ? Pourriez vous me dire si le procédé d'osmose inverse peut se développer dans ce pays? et si vous aviez quelques informations à ce sujet? <br /> <br /> <br /> Merci<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> bon voila moi jsu un en première année du bts gestion et maitrise de l'eau<br /> <br /> <br /> j'aimerai trop venir en inde pour pouvoir faire mon stage.. ça serai pour moi une occasion magnifique pour ma future carrière qui est de devenir ingénieur dans l'étude de l'eau.<br /> <br /> <br /> c'est aussi un moyen formidable pour mettre en oeuvre mes connaissances dans le domaine de l'eau...............<br /> <br /> <br /> <br />
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A
Merci beaucoup pour votre blog très intéressant qui nous a permis de nous inspirer dans nos recherches. En effet nous travaillons sur un grand projet (la vie en Inde et plus particulièrement l’eau en Inde), dans le cadre d’un concours important pour notre Lycée Lino Ventura, et pour nous. <br /> Pourrions-nous utiliser l’une de vos pages pour nous aider à compléter ce projet ?<br /> Et pourriez-vous aussi nous communiquer d’autres informations sur l’eau en Inde en nous répondant à l’adresse suivante : alexandra.mahurel@gmail.com<br /> Nous vous souhaitons de joyeuses fêtes de fin d’année et une heureuse année 2009 avec un peu d’avance.<br /> Les 8 élèves participant au concours « Jeunes Ambassadeurs de Sciences pour l’Inde »
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M
très beau blog
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